Les origines et les activités du GCEDM/CMESG

traduction du texte original en anglais de David Wheeler

Note : Cet historique a été écrit à l’origine pour la monographie Current Research on the Teaching and Learning of Mathematics in Canada – Les Recherches en Cours sur l’Apprentissage et l’Enseignement des Mathématiques au Canada édité par Carolyn Kieran et A. J. (Sandy) Dawson et publié pour ICME-7 en 1992.


Introduction

Le Conseil des sciences du Canada a financé, en septembre 1977, une rencontre sur l’enseignement des mathématiques à Queen’s University, à Kingston en Ontario. Trente mathématiciennes et mathématiciens et enseignantes et enseignants de mathématiques de partout au Canada ont accepté de se joindre aux trois organisateurs de la conférence (professeurs AJ Coleman et WC Higginson de Queen’s University et DH Wheeler de l’Université Concordia à Montréal) pour discuter du thème général : « Éduquer les enseignantes et enseignants de mathématiques : la responsabilité des universités ». À la suite de cette rencontre, plusieurs personnes ont demandé d’avoir d’autres occasions de se rencontrer et de discuter. Le Conseil des sciences a appuyé une deuxième réunion sur invitation en juin 1978 au cours de laquelle il a été décidé de créer un groupe permanent, appelé GROUPE CANADIEN D’ÉTUDE EN DIDACTIQUE DES MATHÉMATIQUES/CANADIAN MATHEMATIC EDUCATION STUDY GROUP (GCEDM/CMESG – parfois nommé Groupe d’Étude). La quinzième réunion annuelle du GCEDM/CMESG s’est tenue à l’Université du Nouveau-Brunswick à Fredericton en mai 1991.

L’histoire de ce groupe professionnel est très courte, mais il semble intéressant de la présenter ici, en partie pour donner un certain contexte aux comptes rendus de recherche qui suivent, mais aussi parce que le caractère particulier du GCEDM/CMESG peut avoir des dimensions instructives.

Les débuts

L’introduction du programme de la rencontre de 1977 se lit comme suit :

La rencontre a été convoquée dans le cadre du suivi du Council’s Background Study No 37 (Mathematical Sciences in Canada) [1] dans le but d’examiner la place et la responsabilité des universités canadiennes dans la formation des enseignantes et enseignants de mathématiques. Les participantes et participants sont des didacticiennes et didacticiens des mathématiques et des mathématiciennes et mathématiciens, les organisateurs n’ont toutefois pas l’intention de laisser entendre que seules les universités sont ou devraient être concernées par la formation des enseignants. Les universités ont cependant traditionnellement joué un rôle central dans la formation des enseignantes et enseignants et elles continueront certainement à y participer à l’avenir, même si la forme de cette participation peut changer. La rencontre est l’occasion d’apporter une contribution, liée à un aspect particulier et d’un point de vue particulier, au débat public sur l’enseignement des mathématiques au Canada. La rencontre n’a pas de statut officiel et n’est en aucun cas un organe politique ou consultatif. La rencontre n’a pas l’intention de rechercher un consensus ou de faire des recommandations à qui que ce soit.

Un des objectifs de cette rencontre est de mettre en commun des idées et informations en rassemblant des participantes et participants dont les intérêts se chevauchent, mais qui se rencontrent rarement. D’autres objectifs, plus difficiles, sont aussi visés. Au-delà de l’échange d’informations, il y a des questions à formuler, des problèmes à isoler et des tendances à identifier, peut-être même des réalisations à reconnaître ; en d’autres termes, un travail sur le portrait de la situation actuelle et sur les orientations pour l’avenir. À un niveau encore plus élevé se situe la tâche d’étudier ensemble la façon d’aborder les questions et de résoudre les problèmes. Indépendamment de cette hiérarchie, apparaît la volonté de communiquer quelque chose de valeur à d’autres professionnels et au public. Il reste à voir dans quelle mesure cela peut être réalisé en si peu de temps. Au moins un démarrage peut être fait.

Le ton apologétique est typiquement canadien, mais la prudence dont semblaient faire preuve les organisateurs est tout à fait justifiée. L’étude à laquelle ils se sont référés dans l’introduction avait été très mal reçue par la communauté mathématique, du moins telle qu’elle était représentée par le Canadian Mathematical Congress (plus tard renommée la Société Mathématique du Canada), qui n’a pas apprécié les nombreuses critiques explicites et implicites formulées par les auteurs. Un réviseur du Mathematical Sciences in Canada résume l’argument général dans les termes suivants :

Les mathématiques jouent un rôle dominant dans les sociétés technologiques modernes, mais plusieurs mathématiciennes et mathématiciens professionnels s’intéressent peu à ses applications, et le gouvernement et les entreprises ne savent souvent pas comment tirer profit des mathématiciennes et mathématiciens qu’ils emploient. Les mathématiques sont enseignées aux Canadiens dans l’un des systèmes éducatifs les plus généreux et les plus accessibles au monde, pourtant seule une minorité d’étudiantes et d’étudiants acquiert beaucoup de compétences en la matière et seule une minorité de ceux-ci plus qu’une compréhension de routine. La recherche mathématique est publiée en quantité décourageante alors que la plupart des journaux ne font que mettre des points sur des « i » et des barres sur des « t » en restant bien à l’intérieur des limites. La production de doctorats canadiens en mathématiques a décuplé au cours des quinze dernières années, mais une grande majorité d’entre eux s’attendent à rester dans le monde universitaire et à produire plus de leur genre. Mathematical Sciences in Canada explique une situation qui aurait pu être décrite autrefois comme une redondance productive, mais qui, en ces temps moins faciles, ressemble davantage à un gaspillage capricieux et évident. [2]

Le partage des responsabilités en matière d’éducation au Canada entre les autorités fédérales et provinciales est une autre raison à invoquer pour justifier la prudence des organisateurs. Les provinces ont une autorité totale pour l’organisation et la gouvernance de l’enseignement primaire et secondaire. Pour obtenir le soutien fédéral à la rencontre de 1977, nécessaire pour que les participantes et participants viennent de toutes les régions du Canada, les organisateurs devaient s’assurer que les objectifs ne portaient pas atteinte à l’application des pouvoirs provinciaux. L’examen direct du programme scolaire, par exemple, devait ainsi être soigneusement évité et la rencontre devait s’abstenir de faire des recommandations qui pourraient apparaître comme une tentative de porter atteinte aux droits provinciaux.

Trois conférences principales étaient au programme de la rencontre de 1977 :

  • L’état de la recherche dans l’enseignement des mathématiques (T. E. Kieren)
  • Les innovations dans les programmes de formation des enseignantes et enseignants (C. Gaulin)
  • Les objectifs de l’enseignement des mathématiques (A. J. Coleman)

Et quatre groupes de travail :

  • Programmes de formation des enseignantes et enseignants
  • Programmes de premier cycle en mathématiques et futurs membres du corps enseignant
  • Recherche en enseignement des mathématiques
  • Apprendre et enseigner les mathématiques.

Les organisatrices et organisateurs ont estimé qu’il était important que la rencontre accorde une grande attention à la recherche sur l’enseignement des mathématiques. Sans cette composante, il serait trop facile pour les discussions et les conclusions qui pourraient être tirées de ne faire que recycler le folklore familier sur les lacunes de l’enseignement des mathématiques au Canada.

Les actes de la rencontre ont été publiés par le Conseil des Sciences [3]. Un des organisateurs a rédigé quelques « Réflexions post-conférence » comprises dans les Actes et a commencé par citer l’extrait de l’étude de fond :

 Il ne semble plus possible qu’un élément de l’écosystème mathématique fonctionne efficacement de manière isolée. La sensibilisation et la communication semblent être les questions clés. [1, p. 86]

Il a poursuivi :

Ils étaient également des thèmes sous-jacents de la rencontre. Le rapprochement des mathématiciennes et mathématiciens et des didacticiennes et didacticiens des mathématiques implique une interaction entre deux groupes qui ont tendance à se méfier l’un de l’autre. La prise en charge par les universités de la formation des enseignantes et enseignants n’a, en général, pas conduit à une plus grande compréhension ou coopération entre ceux qui enseignent les mathématiques universitaires et ceux qui enseignent aux futurs membres du corps enseignant de mathématiques. Les deux groupes ont d’autres intérêts et responsabilités et il se peut que le manque de terrain d’entente dans ces autres domaines contribue à cette méfiance. Cette méfiance s’étend cependant également à la partie de leur travail où ils semblent avoir une cause commune — la préparation d’enseignantes et d’enseignants spécialisés en mathématiques. Les mathématiciennes et mathématiciens universitaires examinent les cours en éducation et constatent un manque apparent de structure et de rigueur de pair avec une multitude de théories non réfutables; les didacticiennes et didacticiens regardent les étudiantes et étudiants sortant des programmes de mathématiques de premier cycle et constatent les effets d’une formation apparemment dominée par la structure et la rigueur. Les deux côtés, lorsque séparés, ont tendance à se stéréotyper. [3, p. 56]

La réponse généralement positive à la réunion de 1977 a conduit Coleman, Higginson et Wheeler à proposer une suite. Leur premier plan a été de planifier des rencontres en 1978 et 1979 qui aboutiraient à la production de documents ; ceux-ci pourraient constituer la base d’une contribution canadienne au quatrième Congress on Mathematical Education (ICME-4) qui s’est tenu à Berkeley aux États-Unis en août 1980. Cette centration sur la production de documents les a amenés à suggérer des rencontres de cinq jours qui permettraient la production de certains écrits. La réponse a cependant été écrasante : un refus, cinq jours est perçu comme beaucoup trop long. La rencontre de 1978 a établi un modèle qui est devenu la norme pour les rencontres suivantes : trois jours complets entre les demi-journées d’arrivée et de départ.

Le programme de la réunion de 1978 comprenait deux conférences :

  • La contribution du mathématicien au développement du curriculum (G. R. Rising)
  • La contribution du mathématicien à la pédagogie (A. I. Weinzweig)

et trois groupes de travail :

  • Cours de mathématiques pour les futures enseignantes et futurs enseignants du primaire
  • Mathématisation
  • Recherche en enseignement des mathématiques.

Les groupes de travail étaient à l’horaire simultanément pour un total de 18 heures. Bien que cela se soit avéré trop de temps — Les groupes ont pris une si grande partie du temps que cela a réduit celui pour d’autres activités comme la mise à jour du travail effectué lors de la rencontre précédente — ceci symbolise l’importance que les organisateurs ont accordée à cette activité : les groupes de travail ont toujours été l’activité principale des rencontres. Depuis la rencontre de 1979, les groupes de travail se sont réunis pendant neuf heures, mais ils ont conservé leur centralité, donnant à bien des égards le ton des réunions et les distinguant de la plupart des autres congrès scientifiques au Canada. (Une liste des groupes de travail pour les quinze premières réunions est donnée à l’Annexe 1.) Un aspect peut-être moins distinctif a été le fait de mettre les conférences principales entre les mains d’oratrices et d’orateurs « invités », généralement des non-Canadiens. L’intention était d’enrichir la contribution aux réunions en invitant des gens qui apporteraient de nouvelles perspectives à la discussion sur l’enseignement des mathématiques. Les conférencières et conférenciers invités au fil des ans forment un groupe diversifié et distingué, comme le montre la liste de l’Annexe 2.

Malheureusement, l’ambition de produire des documents de discussion importants pour l’ICME-4 n’a pas été réalisée. Les publications des activités du Groupe d’étude se limitent en grande partie aux actes de ses réunions annuelles, et même ceux-ci ne parviennent pas toujours à donner une bonne idée des interactions réelles des réunions. (L’Annexe 3 répertorie les numéros ERIC des Actes GCEDM/CMESG disponibles.)

À la fin de la réunion de 1978, les participants ont voté pour donner au GCEDM/CMESG une existence continue et un comité exécutif par intérim. Une constitution officielle a été approuvée lors de la réunion de 1979 et les premières élections en vertu de la constitution ont eu lieu en 1980. Bien que quelques changements dans la structure organisationnelle se soient produits et que les programmes annuels aient évolué, les principales caractéristiques du Groupe d’Étude se sont établies dans les premières années.

Caractéristiques

La taille, l’emplacement et la structure fédérale du Canada posent des problèmes particuliers à toute organisation voulant obtenir un statut national. Les distances et les frais de déplacement pour des réunions en face à face régulières sont tout simplement énormes. Quel que soit l’objectif d’un groupe canadien, il y a presque certainement un groupe aux États-Unis ayant un objectif similaire pour lequel la participation aux rencontres est aussi facile (ou difficile). Les organismes provinciaux associés à l’enseignement primaire et secondaire ont tendance à bloquer une partie de l’argent qui serait autrement disponible pour financer la participation aux rencontres. Dans un contexte différent, les organisateurs d’origine auraient tenté de créer un groupe national ouvert aux éducatrices et éducateurs de toutes les parties du système : enseignantes et enseignants du primaire, administratrices et administrateurs scolaires, professeures et professeurs d’université en mathématiques, etc. Or, il n’a jamais semblé réaliste dans le contexte canadien d’essayer de lancer un filet aussi large.

La première rencontre de ce qui allait devenir le GCEDM/CMESG a principalement impliqué des mathématiciennes et mathématiciens, ainsi que des didacticiennes et didacticiens des mathématiques. Ces groupes semblaient les plus appropriées à cibler pour certaines raisons. Les rencontres pourraient être assez petites et ainsi faciliter le type d’interactions personnelles que les organisateurs voulaient promouvoir ; ils pourraient se concentrer sur certaines des questions scientifiques dans le domaine ; et ils pourraient aider à combler les écarts professionnels et idéologiques entre les mathématiciennes et mathématiciens, les didacticiennes et didacticiens des mathématiques et les chercheuses et chercheurs dans ces domaines. C’est donc avec certains regrets que la décision fut prise de développer un programme pour attirer les professeures et professeurs d’université dans les départements et facultés d’éducation et dans les départements de mathématiques. Cette restriction, espérait-on, susciterait une plus grande implication des professeures et professeurs de mathématiques universitaires. Le GCEDM/CMESG peut se réclamer d’un certain succès en ayant attiré un certain nombre de professeures et professeurs de mathématiques canadiens (environ un tiers de ses membres actifs). Un taux de participation plus élevé, même s’il est souhaitable, est peu probable étant donné qu’une implication sérieuse dans l’éducation est, pour les mathématiciennes et mathématiciens universitaires, une demande supplémentaire en temps et en énergie ainsi qu’un engagement rarement reconnu ou récompensé par leurs collègues du département. Dans tous les cas, l’interaction et la coopération régulières des professeures et professeurs des départements d’éducation et de mathématiques au sein du groupe d’étude restent une caractéristique importante et précieuse.

Depuis le début, comme le montrent les listes des groupes de travail et des conférences aux annexes 1 et 2, les deux principaux intérêts du GCEDM/CMESG ont été la formation des enseignantes et enseignants et la recherche en enseignement des mathématiques, avec des intérêts subsidiaires pour l’enseignement des mathématiques au premier cycle universitaire et pour ce qui pourrait être nommé les facettes psychophilosophiques de l’enseignement des mathématiques (par exemple, la mathématisation, l’imagerie, les liens entre les mathématiques et le langage). Il y a des chevauchements évidents avec les intérêts d’autres groupes canadiens. Une décision a été prise tôt pour résister à l’intégration dans le Education Committee of the Canadian Mathematical Congress (plus tard « Society ») même si ce groupe réunissant des mathématiciennes et mathématiciens universitaires et des didacticiennes et didacticiens des mathématiques pouvait sembler aligné. Les organisateurs originaux ont estimé qu’il était important pour le GCEDM/CMESG d’établir une identité et une crédibilité professionnelles avant de s’impliquer trop étroitement avec le CMC (SMC), dont le Comité exécutif, dans les années 1970 du moins, n’était pas visiblement intéressé, informé ou sympathique à l’enseignement des mathématiques. Par la suite, le GCEDM/CMESG a développé de bonnes relations avec le Comité d’éducation de la SMC revitalisée et en 1985, 86 et 87, le groupe d’étude s’est réuni aux mêmes endroits que la SMC afin que quelques-unes de ses sessions puissent être coparrainées par les deux organisations. En 1990, le GCEDM/CMESG a coparrainé une journée d’activités avec la Canadian Society for the History and Philosophy of Mathematics (CSHPM).

De nombreuses associations scientifiques et universitaires au Canada tiennent leurs réunions annuelles sur le même site au cours de la même période, lors d’un événement appelé Learned Society Conference. Certaines des personnes qui auraient aimé participer au GCEDM/CMESG étaient des habituées des réunions de la Société canadienne pour l’étude de l’éducation (SCÉÉ) qui a toujours participé aux « Learneds », il était donc naturel de suggérer que le GCEDM/CMESG y tienne également ses réunions. Encore une fois, le groupe organisateur d’origine a résisté à cette intégration immédiate, mais pour une raison différente cette fois. Il leur a semblé que si le GCEDM/CMESG devait développer un caractère distinctif et, en particulier, s’il devait développer une véritable atmosphère de travail, il devait être capable de persuader les gens de s’engager entièrement au sein du Groupe d’étude pour toute la rencontre. Mettre la réunion dans une situation où n conférences fascinantes étaient proposées dans les bâtiments adjacents rendrait ce dévouement difficile, voire impossible, à réaliser. Ainsi, à la grande déception de quelques personnes, le GCEDM/CMESG n’a pas rejoint la collection des sociétés des « Learned ». (Il faut noter ici, avec beaucoup de gratitude, que le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada, qui accorde une subvention globale aux « Learneds », n’a jamais insisté sur l’appartenance du GCEDM/CMESG au groupe pour être admissible à une aide financière.)

La participation aux rencontres du GCEDM/CMESG a varié, le nombre de participantes et participants se situant entre 30 et 70, la plupart entre 50 et 60. Il s’agit d’une bonne taille pour le type de rencontres que le Groupe organise : assez petit pour donner un sentiment de communauté tout en étant assez grand pour assurer un mélange d’intérêts et d’expériences. Les deux tiers de ces participantes et participants sont généralement des habitués qui assistent à la plupart des rencontres. L’adhésion au Groupe est principalement, mais non exclusivement canadienne. Le Groupe profite de la présence de quelques personnes non canadiennes, bien qu’il soit attentif à ce que la proportion n’augmente pas trop.

Innovations

L’accent mis sur les groupes de travail lors des rencontres a déjà été mentionné. La « philosophie » derrière cela va au-delà de la reconnaissance que « deux têtes valent mieux qu’une », ou que plusieurs perspectives sur des questions importantes sont potentiellement plus éclairantes que des perspectives individuelles. Cette philosophie va plus loin en affirmant qu’il est possible pour des gens de collaborer sur un thème lors d’une rencontre pour générer quelque chose de nouveau à partir des connaissances et de l’expérience que chaque participante et participant apporte. Ce n’est pas facile à réaliser, il faut le dire, peut-être parce que les gens n’ont pas l’habitude de travailler de cette façon et qu’ils n’ont pas encore appris à le faire. Les nouveaux participants ont parfois l’impression que la première session de 3 heures allouée à un groupe de travail est « gaspillée » parce que le groupe se réunit sans une vision commune du sujet ce qui fait en sorte qu’ils doivent s’asseoir et écouter plusieurs opinions différentes avant que le groupe ne puisse réellement « commencer ». Des moyens ont été proposés pour surmonter ce problème : donner à chaque membre du groupe des articles à lire avant la réunion, faire une présentation claire du programme du groupe avant que les membres choisissent le groupe auquel ils participent, etc. Mais bien sûr, l’image idéale d’un groupe de travail, dans lequel tout le monde veut travailler exactement de la même manière sur exactement les mêmes questions, est une fiction. La tâche des responsables de groupe (il y en a généralement deux) est de capitaliser sur la diversité des attentes et des expériences au sein du groupe tout en favorisant l’exploration de sous-thèmes émergents qui semblent mener quelque part. Il n’est pas surprenant que cette activité n’aboutisse pas toujours à des résultats qui peuvent être immédiatement écrits et peaufinés dans un article scientifique conventionnel. Un groupe de travail bien dirigé gère bien cette complexité, mais il est difficile de développer des moyens d’enregistrer efficacement ses réalisations.

L’accent mis sur les groupes de travail influence d’autres aspects des rencontres du GCEDM/CMESG. Dans les rencontres, il n’y a pas deux groupes distincts de gens qui présentent et de gens qui s’assoient et qui écoutent ces présentations. Il y a des présentations de type assez conventionnel, mais dans le contexte de la rencontre, elles deviennent également des sujets de discussion. Une innovation qui symbolise ceci est « l’heure de discussion » prévue le jour suivant une présentation plénière au cours de laquelle les membres discutent de la présentation avec la présentatrice ou le présentateur.

Les programmes du GCEDM/CMESG ont aussi toujours au moins une plage horaire pour les « groupes ad hoc ». Toute personne peut ainsi se porter volontaire pour faire une présentation ou mener une discussion, et ces éléments sont ajoutés au programme (sous réserve de la disponibilité du temps et des installations).

L’intention de ces diverses opportunités est d’encourager les membres à participer activement aux réunions. La politique serait inefficace si elle ne donnait pas de résultats et si elle n’était pas située dans une atmosphère relativement détendue et accueillante. Comme à l’école, les gens cesseraient de faire des contributions s’ils étaient continuellement abattus par les flammes. Une rencontre du GCEDM/CMESG est exempte des pointages et de la compétitivité qui caractérisent de nombreux rassemblements universitaires. Les participantes et participants écoutent les autres, avec respect et ce, même s’ils ne sont pas forcément en accord.

Impacts

Avec quinze rencontres annuelles à son actif et un noyau de membres actifs, l’existence du GCEDM/CMESG n’est plus à questionner. Bien que le premier groupe de gens passionnés en 1978 ait pu espérer plus, ils s’attendaient probablement à moins : l’environnement canadien pour l’innovation est notoirement difficile. Le Groupe d’Étude n’a pas produit les documents de discussion, ni fait de déclarations publiques et politiques, ni développé les réseaux régionaux et locaux, ni réalisé aucun des programmes partiels que les gens lui ont parfois proposés. Mais il existe et il tient des réunions annuelles. Et celles-ci sont, à en juger par les commentaires des gens habitués et de nouvelles personnes qui y participent, sensiblement différentes et plus engageantes que les autres réunions auxquelles les mêmes personnes vont. Dans un certain sens et un sens important, les réunions annuelles sont le GCEDM/CMESG, car c’est là que se déroule réellement ce qui est caractéristique du GCEDM/CMESG — son étude coopérative en action. (Pour Platon, la philosophie se trouvait à son meilleur dans le discours sérieux des amis plutôt que dans son histoire que quelqu’un pourrait retracer et écrire par la suite.)

Le GCEDM/CMESG existe maintenant au Canada aux côtés du Comité d’éducation de la SMC, dont l’intérêt porte davantage sur l’enseignement des mathématiques au niveau tertiaire. Les deux sont de petits groupes nationaux accueillant principalement des professeures et professeurs d’université. Chaque province du Canada a sa propre association distincte d’enseignantes et d’enseignants de mathématiques (le Québec en compte quatre : trois francophones, une anglophone). Deux provinces, l’Ontario et le Québec, ont des associations de conseillères et conseillers en mathématiques (également appelés « coordonnateurs » ou « consultantes et consultants »). De nombreux enseignantes et enseignants et conseillères et conseillers du secondaire sont membres du National Council of Teachers of Mathematics (NCTM) et assistent à ses réunions annuelles. Le NCTM revendique la couverture du Canada et a toujours, en effet, une Canadienne ou un Canadien au sein de son Conseil des gouverneurs, mais ce groupe s’intéresse rarement aux questions particulièrement canadiennes. De nombreux didacticiennes et didacticiens des mathématiques sont membres de l’American Educational Research Association (AERA) ou de son sous-groupe SIG/RME (Special Interest Group for Research in Mathematics Education), tout comme plusieurs professeures et professeurs de mathématiques universitaires et collégiaux sont membres de l’American Mathematical Society ou à la Mathematical Association of America. (Et il est probable que la majorité des enseignantes et enseignants de mathématiques des écoles, des collèges et des universités ne soient actifs dans aucune des activités ci-dessus.) La situation est particulièrement fragmentée. Il n’y a aucun organisme au Canada capable de traiter l’enseignement des mathématiques à tous les niveaux, aucune voix nationale ne parle de l’enseignement des mathématiques aux gouvernements et au public — même si cela importe possiblement peu dans un pays qui n’a pas de politique éducative nationale.

Cependant, en ce qui concerne l’impact et l’influence, comment s’assurer que les Canadiens ne perdent pas en n’ayant pas une voix puissante qui parle au nom de l’enseignement des mathématiques ? Les États-Unis et la France, par exemple, ont des organisations professionnelles très puissantes capables de parler aux gouvernements, mais leur influence n’est toutefois pas toujours jugée bonne par les « consommatrices et consommateurs » de l’enseignement des mathématiques dans les écoles. (Les associations médicales nationales, pour envisager un parallèle possible, ne semblent pas toujours défendre ou faire avancer la cause des malades.) Le GCEDM/CMESG n’a peut-être pas une voix puissante, mais il a certainement influencé, peut-être changé, un certain nombre de personnes.

Le Groupe d’étude a pour position essentielle que l’enseignement des mathématiques et toutes les activités humaines qui y sont liées peuvent et doivent être étudiés, que ces études aient la forme de réflexions individuelles, d’argumentations raisonnées entre collègues professionnels ou de remise en cause plus formelle par des recherches empiriques ou savantes. En mettant ceci en avant, le GCEDM/CMESG a signalé l’importance de l’érudition et de la recherche aux enseignantes et enseignants de mathématiques du Canada dans un domaine qui semble souvent dominé par le folklore. Le groupe d’étude a offert un forum où les plans de recherche peuvent être discutés et une atmosphère encourageante où les chercheuses et chercheurs novices peuvent trouver une entrée. L’enseignement des mathématiques remonte peut-être à « l’aube de l’histoire », comme le dirait un journaliste, mais l’enseignement des mathématiques en tant que domaine d’études n’a que quelques décennies. Il n’y a pas de traditions de recherche et d’érudition : celles-ci ne se développent que maintenant.

En bref, par ses activités, le GCEDM/CMESG a donné à certains membres du corps enseignant de mathématiques le goût de la recherche et leur a ouvert le chemin. Ceci leur a montré que leur perplexité relativement à certains aspects des mathématiques est partagée par de nombreux mathématiciennes et mathématiciens et a montré à certaines et certains d’entre eux que l’apprentissage peut être étudié et que l’enseignement peut être transformé en quelque chose qui ne se fait pas à l’aveuglette. Un nombre suffisant de ces petites victoires pourrait déclencher une révolution.

Travail à faire

Tel que suggéré ci-haut, le GCEDM/CMESG a déjà joué un rôle de renforcement et d’encouragement dans l’effort canadien de recherche en enseignement des mathématiques et il semble clair qu’il devrait poursuivre et peut-être même étendre ses travaux dans cette direction. Tel qu’il est généralement admis, il y a un long chemin à parcourir avant que la recherche en enseignement des mathématiques devienne une ressource sur laquelle le monde de l’enseignement puisse s’appuyer, toutefois rien de moins ne devrait être exigé d’elle. Naturellement, plusieurs enseignantes et enseignants trouvent que la plupart des recherches à ce jour sont immatures : elles ne parviennent pas à convaincre, car elles ne répondent pas encore à la complexité des connaissances professionnelles d’une bonne enseignante ou d’un bon enseignant. Néanmoins, il est extrêmement important que le travail continue. La recherche prend une place significative contre une croyance extraordinairement répandue, mais destructrice voulant que l’enseignement des mathématiques soit essentiellement sans problèmes. Cette situation a peut-être été soulevée pour la première fois par Poincaré lorsqu’il a demandé pourquoi certaines personnes n’arrivent jamais à acquérir des connaissances mathématiques. La recherche, de pair avec d’autres positions théoriques, peut être utilisée autant pour « justifier » que pour expliquer ; néanmoins, son insistance sur l’inspection, la réflexion et l’épreuve apporte un correctif important au point de vue naïf selon lequel l’enseignement et l’apprentissage sont des activités transparentes.

Sur un front moins large, le GCEDM/CMESG doit encore travailler à améliorer la quantité et la qualité de l’interaction entre les mathématiciennes et mathématiciens et les didacticiennes et didacticiens des mathématiques. Il y a un travail à faire alors qu’il y a encore des didacticiennes et didacticiens des mathématiques qui n’ont qu’une connaissance ténue de la véritable activité mathématique, et des mathématiciennes et mathématiciens qui pensent que toutes les questions appartenant au domaine de l’enseignement des mathématiques sont banales. Les mathématiciennes et mathématiciens universitaires ne sont pas notablement modestes. Ce n’est probablement pas trop caricatural de dire qu’en général ils semblent heureux d’admettre — grâce à Descartes — le caractère divin de leur activité principale. Ils ne sont généralement pas réticents à tirer parti de la préférence traditionnelle des universités pour les connaissances académiques plutôt que professionnelles. Les mathématiciennes et mathématiciens ont en plus été jugés efficaces dans ce qui est reconnu par tous comme une discipline intellectuelle difficile. Même avec tous ces avantages, ils ne reconnaissent pas toujours que les compétences et les sensibilités qui leur ont bien servi dans leur travail mathématique ne sont pas nécessairement celles qui peuvent relever les défis présentés par l’enseignement des mathématiques.

Il y a un besoin au Canada de rendre publique une image plus précise du domaine de la recherche sur l’enseignement et l’apprentissage des mathématiques qui admet que son développement ne fait que commencer, mais qui montre aussi que son heuristique est efficace et que des arguments peuvent être présentés, dans les limites de la raison, de manière rigoureuse et disciplinée. Si de telles idées peuvent être prises en compte, il en résultera un plus grand respect pour l’enseignement des mathématiques. Le GCEDM/CMESG est bien placé pour travailler avec les mathématiciennes et mathématiciens à l’amélioration de l’image de l’enseignement et l’apprentissage des mathématiques en tant que domaine d’études.

Ce sont des objectifs à long terme — des idéaux peut-être — qui pourraient orienter le GCEDM/CMESG sans toutefois spécifier comment il pourrait les atteindre. Cela étant dit, l’avenir du GCEDM/CMESG sera probablement façonné par une combinaison de forces internes et externes dont la plupart ne peuvent pas être prédites aujourd’hui.

References

[1] Beltzner, K. P., Coleman, A. J., & Edwards, G. D. (1976). Mathematical Sciences in Canada (Background Study 37). Ottawa, ON: Science Council of Canada.
[2] Wheeler, D. (1977). Review of “Mathematical Sciences in Canada.” Notes of the Canadian Mathematical Congress. Ottawa, ON: Canadian Mathematical Congress.
[3] Coleman, A. J., Higginson, W. C., & Wheeler, D. H. (Eds.). (1978). Educating teachers of mathematics: The universities’ responsibility. Ottawa, ON: Science Council of Canada.


À propos du GCEDM